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Afghanes,
ces combattantes de la liberté

Nous aurions aimé entendre la chaleur de leurs voix, plonger notre regard dans le leur et ressentir leurs émotions. Mais voilà, elles sont en Afghanistan, en Ouzbékistan, ou encore à Dubaï. Stéphanie Lemercier, Secrétaire Générale de la CMCAS, devient une nouvelle fois le porte-voix de ces femmes autrefois rencontrées lors de ses voyages en Afghanistan. On vous raconte…

Quinze août 2021, la date où tout bascule. L’Afghanistan s’enveloppe d’une obscurité telle, qu’elle repousse la lumière d’espérance des Afghanes. La peur, l’angoisse, elles les portent sur le dos, à même la peau et dans le cœur aussi. Pourtant, elles décident à leur façon de se soulever et de combattre pour leurs droits.

Pour comprendre les histoires qui vont suivre, il faut avant toute chose en saisir le décor. Au cœur de l’Asie Centrale, l’Afghanistan, entouré de civilisations antiques, est une terre où les montagnes, nimbées de nuages, persent cet océan suspendu qu’est le ciel. Les rivières caressent les abords de leur lit. Quand vient le noir et son cortège d’étoiles, l’Afghanistan s’allume de mille feux. On dirait un ballet de lucioles qui dansent et qui, comme une nébuleuse, baignent ce pays dans une lueur scintillante. Les Afghans parlent de leur terre comme rude, gigantesque, magnifique et mystérieuse. Malgré la merveillosité de cette contrée, son histoire est complexe et plongée dans la guerre depuis si longtemps et cette date du 15 août 2021 marque un énième tournant dans son histoire. Kaboul, la capitale, est tombée aux mains des Talibans et prend par surprise toute la population locale et internationale.

Stupeur. Incompréhension. Les jours suivants se précipitent dans le chaos. La fuite. Seule solution pour bons nombres. Les mots ne peuvent décrire cette situation sans altérer les émotions qui submergent le cœur des Afghans. Quelle teinte, quelle saveur aura l’avenir du pays ? Quel va être le sort des Afghanes ? Ces questions hantent l’esprit de nombreuses Afghanes restées au pays. La révolte ne se dit pas, mais elle est là. En mouvement.

Les femmes redécouvrent qu’elles sont sœurs, sœurs de malheur certes, mais qu’elles ont pour elles, ces puissances que sont la combativité, le courage, la solidarité. De cette prise de conscience collective, des cercles de femmes fleurissent. De leur esprit resté libre, elles sont des milliers à défier le régime Taliban en manifestant dans les rues de la capitale. Kaboul devient alors le théâtre de scènes de courage exceptionnel. Exceptionnel, car elles ne défient pas seulement les Talibans mais la mort.

Pour celles qui ont pu fuir l’injonction liée à leur genre, le tiraillement est difficile à gérer. Seules ou en famille, elles tentent de se reconstruire avec cette culpabilité constante d’avoir laissé des êtres aimés.

Elles jouent toutes à leur façon le rôle de David contre le Goliath Taliban. Animées par leur infini espoir, elles n’hésitent plus. Elles sont toutes animées par l’espoir que leurs jours heureux reviendront combler leur quotidien.

« Si elles résistent, c’est parce qu’elles ont un idéal. Elles gagnent parce qu’elles sont animées par l’espoir. Et l’espoir fait vivre. Sans espoir, elles mourraient à chacune de leurs respirations. »

Stéphanie Lemercier

Mourir ou triompher, le courage hors norme de ces femmes inspire indéniablement toutes les femmes de ce monde.

S.C.

Association Aryana Nantes

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L’association a besoin de votre soutien afin d’aider les enfants de l’école Aryana à Mazâr-e Charîf. Nos actions seules ne peuvent nous permettre d’aider ces enfants. L’éducation par l’école est indispensable. Les enfants doivent être capables de lire et écrire correctement afin d’espérer sortir de la pauvreté et mieux comprendre le monde dans lequel ils évoluent.

« Dans les rues de Kaboul, l’image de la femme s’efface. Les affiches ou photos de femmes des vitrines de magasins sont masquées, coupées ou vandalisées. Parfois, on ne voit même plus leur main et leur pied. Il en est de même pour les mannequins-présentoir à vêtements. Leur tête, mains et pieds sont enlevés. »

Stéphanie Lemercier

« Durant l’été 2021, mes sœurs et moi sommes en voyage à Dubaï pour visiter notre frère Zekroula qui tient un garage. Au moment de rentrer, les Talibans prennent notre pays. Il est impossible de retourner en Afghanistan. Nous restons à Dubaï et tentons des demandes de visas, sans succès. Nous vivons quelques temps sans papier jusqu’au jour où notre frère achète une boutique de prêt à porter et nous donne le statut d’associées à ma grande sœur Sharzada, – couturière de métier, qui s’occupera de la confection -, et moi-même – commerciale dans l’âme ! Nous obtenons alors une carte de résident et pour mon autre sœur, Safiane – 17 ans  -, une carte de résident étudiant – elle fait médecine. Depuis, nous vivons en toute indépendance. Je souhaite d’ailleurs passer le permis ! Malgré ce contexte émancipateur, notre cœur saigne car nous avons encore une sœur et un frère bloqués en Afghanistan. Ils me manquent mais pour rien au monde je repartirais. Ce sentiment est difficile à assumer. Ici je vis un rêve éveillé mais je culpabilise constamment. »

Maryam, 22 ans, Afghane réfugiée à Dubaï.

« À l’arrivée des Talibans, ma femme et moi avons décidé de nous marier pour pouvoir fuir ensemble. Il n’était pas pensable pour moi de partir et de la laisser au pays pour qu’elle me retrouve dans quelques années. Si je pars, je pars avec elle. Pas sans elle. »

Naweed, 30 ans, Afghan resté en Afghanistan

« J’ai un couple d’amis, dont la femme était enceinte, qui n’avaient pas de voiture. Comme le travail commençait, il a donc fallu que je les emmène en urgence à l’hôpital. En cours de route, nous nous sommes faits arrêtés par les Talibans qui nous ont fait sortir de ma voiture. Ils nous ont séparé pour nous interroger. J’ai donc expliqué la situation comme l’on fait mes amis. Seulement, mon ami ne parle pas le dari mais le pachtoun. Il y a donc eu confusion de certains mots et mes amis se sont retrouvés en prison séparement. Il aura fallu 10h d’appels et de négociation pour les faire sortir. Heureusement mon amie n’a pas accouché en prison. Nous nous sommes rapidement rendus à l’hôpital et tout a fini par rentrer dans l’ordre. »

Fawad, 31 ans, Afghan resté en Afghanistan

« Les écoles publiques sont interdites aux filles. Pour celles qui ont les moyens, les écoles privées restent accessibles.Cependant, il est très dangereux de s’y rendre. Elles doivent être accompagnées d’un père, d’un frère, d’un oncle ou d’un beau-frère. Mais cela n’empêche pas les contrôles par les Talibans. Ils interrogent l’homme et la fille séparement et vérifient la concordance des réponses.

Pour les garçons, la Madrasa (école coranique tenue par un Imam) est obligatoire tous les matins. Ils vont ensuite à l’école publique. Cependant, là où ils avaient 6 heures de cours généraux (maths, langues…), ils n’en ont plus que 3 heures. Les 3 heures restantes sont réservées à l’étude du Coran par le professeur.

Sur ce point de l’école, j’aimerais souligner le fait que la plupart des professeurs étaient des femmes. Il y a alors un gros souci de personnel et le nombre d’enfants par classe peu dépasser les 80. »

Stéphanie Lemercier

« Aujourd’hui, nous ne voulons plus faire d’enfant. Nous ne sommes pas les seuls couples dans cette situation. À quoi bon en faire pour les élever dans une prison à ciel ouvert ? »

Parwez, 31 ans, Afghan resté en Afghanistan

« J’aimerais tellement rentrer dans mon pays. J’ai toute ma famille. J’ai mon mari et mon fils, ma mère, mes sœurs, mes frères… je dois être avec eux. Mais j’ai mes filles et je ne veux pas qu’elles aient la même enfance que moi. Alors je reste autant de temps que le gouvernement Ouzbek me le permettra. Tous les 30 jours, je dois renouveler mon visa. La hantise me ronge. Mon avenir et celui de mes filles se décident tous les 30 jours. C’est dur. Mon pays me manque. »

 Shakila, 43 ans, Afghane réfugiée en Ouzbékistan

« Interdiction pour les femmes d’aller au-delà de 45 kilomètres de leur domicile. Pour tous déplacements, elles doivent obligatoirement être accompagnées d’un mari, d’un père, d’un frère, d’un fils ou d’un beau-frère. »

Stéphanie Lemercier

« J’ai trois enfants, un garçon et deux filles. Mon mari, à qui j’ai été mariée de force, a tué notre fils d’un coup de colère. J’ai pu me réfugier dans ma famille avec mes filles et il a été mis en prison. Là-bas, il s’est rapproché des Talibans. Alors en août 2021, lorsqu’ils ont renversé le gouvernement, il est sorti de prison et a tenté de nous récupérer car la femme appartient à son mari. Ma famille a fait tout ce qu’il fallait pour me procurer un visa iranien. Je suis partie en urgence en Iran et depuis je fais en sorte d’être introuvable. »

Monica, 33 ans, Afghane réfugiée en Iran

« Stéphanie, dis à maman qu’on ne rentre pas en Afghanistan. Je veux pas y retourner. Ils viennent dans les familles pour prendre les filles qui ont leurs règles pour les marier de force à des Talibans. Notre destin, il n’est pas là. Il est à l’école. Je veux être une fille normale avec une vie normale. »

Almira, 17 ans, Afghane réfugiée en Ouzbékistan

« Ma mère travaillait avec les américains, ma grande sœur était responsable d’un centre de réinsertion pour femmes et moi j’étais étudiante en littérature anglaise. Autant te dire que nous représentons ce que les Talibans détestent le plus. Lorsque nous avons senti la menace, nous avons fui Mazâr-e Charîf pour nous réfugier à Kaboul. Seulement en 48h tout bascule. Kaboul tombe aux mains des Talibans. Depuis, nous sommes sur leur liste des femmes à retrouver. Ils nous cherchent sans relâche pour le payer de notre vie. Il n’y a pas d’autres peines possibles. Alors ils s’acharnent à coup de menaces à la kalachnikov sur nos amis, nos collègues. Nous nous cachons et ne passons pas plus de 24h dans un même lieu. »

Sosha, 21 ans, Afghane restée en Afghanistan

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